Pourquoi pas un atelier d’écriture dramatique en classe… ?

Propositions de Christian Schandeler pour les 2e et 3e degrés (ISM, Arlon)

publié dans
langue maternelle documents pédagogiques
Activités de langue française dans l’enseignement secondaire * Revue trimestrielle
Numéro 130 * Septembre 2007

1.  déclencheurs d'écriturepartant d'un personnage , d'un titre , de l'image , d'une phrase , d'un mot , de contraintes formelles , d'une situation
2. histoire... à créer, à enrichir
3. rédiger un dialogue
4. évaluer l’écriture d’un texte dramatique 

Les exercices qui suivent sont le résultat d’une expérimentation en tant qu’écrivant (j’ai eu l’occasion de participer à plusieurs stages d’écriture dramatique menés par deux dramaturges et pédagogues hors pairs : Eric Durnez et Jean-Pierre Dopagne et en tant qu’animateur d’atelier dans le cadre de ma classe.
Les exercices ci-dessous peuvent vous permettre de travailler l’un ou l’autre aspect de l’écriture dramatique. Certains de ces exercices peuvent servir de base à l’écriture d’autres types de textes (je pense notamment à la nouvelle).
Mais, trêve de discours… à vos plumes

I. Les déclencheurs

 A. Partir d’un personnage

1.      Individuellement et secrètement imaginez un héros / une héroïne qui pourrait vivre dans le monde d’aujourd’hui.
-         donnez-lui un nom
-         précisez qui il est, ce qu’il fait.
-         Quel est son milieu social, son caractère
 Veillez à chercher un héros qui vous soit suffisamment sympathique pour cohabiter avec vous assez longtemps.
                                                                                                                Durée 30 minutes
2.      Donnez la parole à votre personnage à la fin de la pièce. (sa dernière tirade peut-être ?)
 
-         A qui s’adresse-t-il ? Que dit-il ?
                                                                                                        Durée 30 minutes
 Sources : atelier Eric Durnez

 B. Partir d'un titre

1. Exercices d’échauffement intellectuel : constituer des listes (adapter le nombre de titres au groupe)
- 5 problèmes essentiels de notre planète
- 5 personnes célèbres, vivantes ou mortes qui vous ont marquées
- 5 faits divers qui vous ont marqué
- 5 œuvres d’art (littérature, peinture, sculpture, cinéma, architecture…)
2. Imaginons que vous êtes devenus des écrivains consacrés. Je vous demande de citer au moins 5 de vos œuvres : liste de 5 titres (au moins).
 - lecture des titres à voix haute
- si on a le temps : les autres participants élisent 1 des 5 titres
- l’écrivant rédige alors la quatrième de couverture d’un des titres arrivés en tête du choix        (parmi les 3 premiers).
 Sources : atelier Eric Durnez

C. Déclencheurs fondés sur l’image, plus la contrainte formelle.

Joël Jouanneau, pour un atelier en 4ème – 3ème. Le premier jour : il appelle 5 jeunes filles : « Venez. Mettez votre main en visière… Regardez le camion rouge, sur la place… Bien. »
  = création de l’image
Aux écrivants : Ce sont cinq personnages à qui vous donnerez un nom ou pas. Il faudra les faire parler de cette façon.
Il écrit au tableau : F1 = 1 mot, F2 = 2 mots, F3 = 3 mots, F4 = 4 mots, F5 = 5 mots,… Vous allez jusqu’à 10 mots, puis vous diminuerez 10, 9, 8, 7… jusqu’au dernier mot = « Rien. »
 Sources : Pratiques du théâtre

D. Déclencheur fondé sur une phrase, un incipit

Il y a quelque temps, j’ai rédigé deux nouvelles. À l'origine de ces deux récits, deux phrases issues du même recueil de nouvelles Crise d'asthme d'ETGAR KERET, un auteur israélien un peu surréaliste.
- Quand j'étais petit, toutes sortes de gens venaient frapper à notre porte. (Roi de coeur)
- Dans sa jeunesse, il était plutôt bon en devinettes. (l'homme complexé)
Exercice 1 : imaginez un scénario à partir des phrases suivantes…
- Une grosse enveloppe m'attendait dans la boite aux lettres.
            - Soudain, je pouvais le faire.
            - À midi, une femme avec des lunettes est venue dire quelque chose à l'oreille de l'infirmière.
Exercice 2 : cherchez une phrase dans un recueil de nouvelles ou dans un roman.Tirez-la de son contexte et imaginez un autre contexte.
Les phrases doivent être à la fois suffisamment anodines pour être enfourchées par quelqu'un d'autre... Mais en même temps elles doivent déclencher l'imaginaire du lecteur qui s'en empare pour raconter sa propre histoire.
Exercice 3 : inventez une phrase qui puisse servir de départ à un récit…

E. Déclencheur fondé sur un mot

Ecrire un monologue. (15 min)
Préciser Quand ? Où ? Qui ? Pourquoi ?
Tirer au sort un mot déclencheur.
 Exemples de mots déclencheurs :
départ, colère, hilare, extase, effroi, aspiration, stupeur, jubilation, déception, plainte, sur le qui-vive.
Un autre personnage surgit. (15 min)
Retravailler la matière en tenant compte des critères suivants: :
-         ponctuation
-         pousser – retenir (préciser l’information donnée ou au contraire retarder le moment de divulgation de l’information)
-         son du texte
-         nommer les personnages
-         préciser les situations
-         élaguer ce qui est de trop
 Sources : atelier Eric Durnez

F. Déclencheur fondé sur des contraintes formelles (nombre de mots, plus ponctuation)

A : ___  ___  ___  ___  ___ ? ___  ___ .
B : ___ …
A : ___  ___  ___  ___  ___ , ___  ___ : ___  ___  ___  ___ !
C : ___  ___ ?
B : ___  ___  ___  ___ !
C : ___ , ___  ___  ___ … ___  ___  ___ ?
 
A : ___ .
B : ___ ?
A : ___  ___  ___  ___  ___ , ___  ___  ___ .
C : ___  ___  ___  ___  ___  ___  ___  ___  ___  ___ , ___  ___ … ___  ___ ? ___  ___  .
  Remarques :
Cet exercice peut également servir d’exercice d’entraînement au dialogue. La contrainte sert ici à travailler l’économie, le sens de la réplique.
 Sources : atelier Eric Durnez

G. Déclencheurs fondés sur une situation

Écrire les 10 dernières répliques. Une ligne par réplique… Nous sommes au paroxysme de la crise… et nous terminons par la fin.
Choisissez une des situations suivantes :
-         A veut quitter B
-         A offre une bague à B qui refuse.
-         A veut arrêter B de parler.
-         A veut que B le laisse partir seul.
-         A veut que B entre dans une magouille.
-         A veut le mariage.
-         A menace de dénoncer B.
-         A oblige B à l’écoute.
-         A vient « taper » B.
-         A refuse de donner un formulaire.
-         A veut que B fasse quelque chose à sa place.

II. Enrichir l’histoire

A. Ecrire l’histoire

(Retranscription des événements dans leur ordre chronologique, par opposition au récit)
- Comparaison entre la situation initiale / situation finale.
- Utiliser les fonctions de Propp pour rédiger un canevas, à partir duquel construire une histoire.
- Schéma actantiel à partir du héros / de son adversaire
- Détermination du climax, c'est-à-dire le moment où la tension est à son comble.
- Détermination des étapes pour arriver au climax.
 

 B. Ajouter de nouveaux éléments

En secret : découper dans des journaux un mot, un titre, une phrase, un article, une photo qui m’intéresse, m’interpelle…
Comment intégrer cet élément nouveau dans le projet.
Écrire une nouvelle scène en choisissant soit avant soit après les autres scènes.

III. Rédiger un dialogue

Ecrire un dialogue à deux mains
Sur le principe de l’impro, mais cette fois, il s’agit d’écrire à la table.
- On peut partir soit de la rencontre entre deux personnages créés par les participants (1.A)
- soit d’un titre d’impro.
- soit une impro « formelle » : commencer par une question par exemple… et poursuivre.
 Exemples de titres d’impros :
- Ce matin, mon réveil n’a pas sonné.
- Et soudain elle s’est mise à pleurer.

 IV. Evaluation intermédiaire et réécriture d’un dialogue / monologue

Il est excessivement rare qu’un texte soit bon d’emblée. Voici quelques questions pour l’améliorer.
 Que peut-on couper ?
-         Qu’est-ce qui n’est pas utile ?
-         Qu’est-ce qui n’ajoute rien ?
-         au point de vue de l’action
-         au point de vue de la psychologie des personnages
Quelles sont les brèches ?
-         Où est-ce que je peux en dire plus ?
Retravailler le rythme, la ponctuation / les sonorités / éviter les stéréotypes et les clichés.
La « cruauté suffisante » :
-         la situation est-elle essentielle
-         les personnages ont-ils une échappatoire ?
Le suspense :
-         Ne suis-je pas trop explicite ?
-         L’information donnée doit-elle être donnée à ce moment ou doit-elle être retardée ?
Les didascalies sont-elles indispensables ?

V. Evaluer finale de l’écriture d’un texte dramatique 

1. La forme

Respectes-tu la mise en page d’un texte de théâtre ?
(didascalies en italiques et/ou entre parenthèses)
PERSONNAGES en lettres capitales

2. Le message (le propos) 

Ton message est-il clair ?
Quelles idées / questions, souhaites-tu renvoyer à ton lecteur-spectateur ?

3. L’histoire (le scénario)

Ton intrigue progresse-t-elle correctement ?Ni trop vite / ni trop lentement.

4. Le récit

Ton récit respecte-t-il le rythme d’une pièce de théâtre
exposition / climax / épilogue
pas de changement trop rapide de lieux / de temps

5. Les personnages

a Tes personnages ont-ils une quête bien définie ?
b Sont-ils bien typés ?
c Ont-ils une nécessité d’agir (les circonstances les poussent-elles à agir) ?

6. Les didascalies

a Sont-elles indispensables, utiles, superflues, gênantes.
b Ne ressemblent-elles pas trop au discours du narrateur dans un récit ?

7. Le suivi du travail

a As-tu produit, à temps les textes demandés pour les séances de lecture ?
b As-tu tenu compte des consignes pour faire progresser ton texte ?

http://home.scarlet.be/lmdp/130.0709.html#%E9criture%20dramatique